-Les résultats d’une étude commandée par le groupe HEM
-Dans le public, des têtes «bien pleines» mais pas toujours insérables.
-Le privé, un sésame parfois hors de prix
La réforme de l’enseignement supérieur n’a pas encore produit les effets escomptés. L’acquisition du savoir académique ne s’accompagne pas d’aptitudes comportementales, souvent décisives au recrutement
Les bacheliers sont mal orientés, l’enseignement supérieur public est toujours sur la sellette et le privé plus élitiste que jamais. C’est ce que fait ressortir l’enquête menée par le cabinet Argos (spécialisé en études et conseil en marketing), au sujet de la perception de l’offre de l’enseignement supérieur au Maroc. L’enquête a été réalisée sur un échantillon de 1155 avec 25 réunions groupes et 22 entretiens individuels approfondis auprès des professionnels dans plusieurs villes du pays. Lancée par HEM à l’occasion de son 25ème anniversaire. L’étude a concerné différentes cibles: bacheliers, parents d’élèves, étudiants, cadres, entreprises et leaders d’opinion. L’objectif étant de cerner la perception de l’offre de l’enseignement supérieur dans sa globalité et de retracer les besoins des entreprises en termes de formation et de ressources humaines. A l’issue de l’enquête, plusieurs constats alarmants. A commencer par les problèmes d’orientation.
Les bacheliers pour la grande majorité, sont mal orientés et ne commencent à y voir plus clair qu’une fois le cursus entamé. Ce qui se traduit souvent par un sentiment d’insatisfaction. «Il est surprenant de constater qu’un grand nombre d’entre eux pense déjà au marché du travail et sont prématurément soucieux de leur avenir», note Oumnia Ouazzani Benjelloun, administrateur directeur général du cabinet Argos. Le moment venu, l’insertion se fait difficilement du fait du décalage entre les attentes des recruteurs et le profil des candidats, mais aussi à cause du manque de lauréats conscients de leur statut de débutants.
Traditionnellement, les bon éléments s’orientent vers les grandes écoles d’ingénieurs et de gestion ou encore la médecine alors que les élèves moyens (cas de la majorité) mal informés et profondément confus, optent sans grand effort de réflexion pour des écoles privées de gestion, même ceux provenant des filières scientifiques.
«L’orientation est un problème majeur auquel il n’est pas facile de trouver une solution», précise Hassan Sayegh directeur général adjoint d’HEM.
Les grandes écoles publiques jugées performantes par la quasi-totalité de l’échantillon, sont très sollicitées du fait qu’elles délivrent un diplôme étatique permettant aux lauréats l’accès à des postes dans le secteur public. On leur reconnaît aussi la qualité de l’enseignement et la qualité d’encadrement. Néanmoins, on leur reproche le caractère sélectif, le sureffectif dans certains établissements, mais surtout le manque d’interactivité avec le monde du travail.
Un autre diagnostic inquiétant: les lauréats des grandes écoles, souvent surformés ont de graves lacunes en communication et en développement personnel. Ce qui constitue une véritable entrave à leur insertion dans le monde professionnel, souligne le cabinet.
Les universités quant à elles, constituent un véritable point noir. Seul les étudiants autonomes qui arrivent à équilibrer capacité d’autoformation et liberté y réussissent. En dépit de la réforme, «le système demeure trop rigide, ne permet pas une collaboration avec le privé (absence de passerelles) et est très peu ouvert sur la sphère économique», souligne Oumnia Ouazzani Benjelloun. Celle-ci précise que «le taux d’encadrement est dramatique» et que «le corps professoral en manque de motivation s’est un peu trop fonctionnarisé» avec le temps.
Le seul avantage reconnu aux universités est la possibilité de préparation de doctorats. Les écoles privées tirent bien leurs épingles du jeu. Elles mettent en avant l’obligation de l’assiduité, principale préoccupation des parents, une bonne qualité de l’enseignement et une facilité d’intégration sur le marché du travail», selon Argos. Leur point fort, réside incontestablement dans la formation axée sur la communication et le développement personnel, à travers les différentes activités parascolaires et associatives mises en place à l’intention des étudiants. Les écoles privées permettent l’ouverture aussi bien sur le marché du travail que sur l’international (stages, échanges, double diplômation,…). A ce titre, l’origine du diplôme reste un critère de sélection car il renseigne suffisamment sur les traits de personnalité des candidats. «Les entreprises sont désormais à la recherche de profils porteurs de valeurs éthiques, multidisciplinaires qui maîtrisent les langues, rapidement opérationnels et avec une bonne notion de Dress Code».
Le maillon faible pour l’enseignement privé reste en revanche son coût. Selon l’enquête, le coût des études dans les écoles privées est jugé cher. «Certaines d’entre elles sont trop mercantilisées et noircissent l’image du secteur en fournissant des formations de basse qualité à des prix élevés». Autre vulnérabilité, les diplômés du privé n’ont pas la possibilité d’intégrer la fonction publique. Ce qui est considéré comme une forme d’injustice.
Source"Economiste"